Le nu qui trouble

Le nu qui trouble, article de blog qui questionne le regard de la société sur le nu.

Le tabou du modèle vivant

Le nu intrigue, attire et gêne en même temps. Je prends régulièrement des cours de modèles vivants pour m’entraîner et cela étonne les gens que je peux côtoyer. « Mais tu sais que les gens sont nus ?  » m’a-t-on interpellé en rigolant. J’aimerais questionner cette gêne, ce tabou, qui parait contradictoire pour notre société progressiste.

Pourquoi dessiner des nus ?

La plus grande difficulté quand on apprend le dessin, c’est d’oublier les idées que l’on a des formes et de regarder ce qu’elles sont vraiment. Pour l’apprentissage du corps humain, c’est la même chose. En effet, le cerveau a une idée de la forme du corps, qui n’est pas vraie.

Chaque corps est unique et certainement pas symétrique. Il faut oublier ce que l’on sait et s’en tenir à ce que l’on voit. Et pour cela, s’entraîner avec des modèles vivants, qui respirent et qui bougent, est la meilleure façon de s’affranchir des stéréotypes.

L’anatomie artistique permet de mieux comprendre ce qu’il se passe sous une bosse ou une ombre afin de dessiner au plus près de la réalité. Cela a changé ma vision des corps depuis que je connais les muscles et les os sous-jacents. Ça m’a aussi aidé à apprécier ce difficile exercice.

Certains se demandent pourquoi dessiner le corps nu et non habillé ? De la même façon que de connaître les muscles permet de dessiner le corps, connaître le corps permet de dessiner les vêtements. C’est un tout autre exercice, utile lui aussi.

Cela me rappelle la bande dessinée Persepolis, de Marjane Satrapi lorsque l’héroïne prends des cours de dessin à la fac. Ils ne peuvent dessiner qu’une femme voilée, ce qui se révèle peu pratique ! Un peu plus tard, elle explique pouvoir deviner la silhouette selon le plissé du tissu. Mais cela est possible que parce qu’elle connait la morphologie des femmes sans voile.

 

 

Le nu dérange

Dans notre société, c’est un fait, le nu dérange. Il est partout, dans les publicités, dans les films, dans la pornographie, mais le vrai nu dérange. Celui qu’on dessine, ou celui  que l’on devine à travers les vêtements. Je dessine des nus, et ce n’est pas original. C’est un sujet que l’on trouve dès les débuts de l’art, à la préhistoire.

Le nu dans un environnement quotidien.

Soit dit en passant, il y a des théories qui voudraient que ce soient des femmes enceintes qui aient réalisées les vénus préhistoriques et non des hommes. La vision subjective est la même (photographies vues de haut à l’appui). Ainsi les fesses charnues et les seins proéminents, ne seraient pas révélateurs du désir masculin, mais un témoignage de la réalité.

D’autres personnes qui vont à des cours sans être professionnels, ressentent le même sentiment (femme, hommes et de tout âge). Et certains n’en parlent pas autour d’eux. Pourtant ce n’est là qu’un exercice, comme celui de s’entraîner à dessiner des drapés, des natures mortes, des animaux, des paysages … Je ne parle pas ici de la vision subjective d’un artiste et de ses œuvres, mais de l’entraînement de l’œil et de la main.

La réalité ?

Si le dessin de modèle vivant dérange, serait-ce parce qu’il s’agit là de la réalité et non d’une vision fantasmée ? À l’heure du tout visible, le dessin deviendrait-il plus réel que la photographie ou le film ? Le tabou ne serait-il pas aussi dans le regard ? L’interdit, et la pudeur que l’on retrouve dans de nombreux textes religieux, ont gardé une influence, même dans des sociétés laïques.

Ainsi lorsqu’on assiste à des cours de modèles vivants, il faut assumer son regard sur le modèle mais aussi celui que notre entourage ou la société porte sur nous. En général, pour répondre à des remarques, je vais dans la provocation. J’explique que j’ai aussi pris des cours de sculpture de modèles vivants et parfois échelle 1.

À l’heure où il est si facile de se procurer un film pornographique, dont on sait qu’ils sont tout sauf la réalité, avoir un nu peint dans son salon reste choquant. Cela fait gloser. Peut-être est-ce là encore cette question de vérité. Le dessin touche la réalité, nous la dévoile. Alors que le film ou la publicité la modifie afin de nous faire croire que c’est la réalité.

Le nu accroché au mur

Il a été prouvé que les personnes se référant à des dessins pour cueillir des champignons se trompaient moins que ceux utilisant des photographies. La vérité universelle se trouverait-elle dans le dessin ?

 

Le nu dans les réseaux sociaux

Facebook censure le nu de manière étrange. Interdiction de montrer des tétons féminins mais masculins oui. De grandes œuvres de l’histoire de l’art sont supprimées, et des publicité plus osées laissées à la vue de tous.

En même temps, on sait maintenant que la modération est réalisée par des personnes qui ont une liste de choses à supprimer, sans réfléchir à l’artistique. Ils ne parlent pas la même langue que ceux qui postent et n’ont pas la même culture artistique.

Heureusement Instagram laisse voir plus de créativité. Sous les #livemodel #modelevivant, on peut voir plus dessins. Même si des photographies suggestives interrompent parfois le fil.

Une personne pose de face.

 

Le respect des modèles

Trois modèles vivants posent dasn une galerie d'art.

Le dessin de nu ne serait rien sans les modèles. Ce métier (c’en est un !) est éprouvant physiquement (essayez de rester sans bouger plus de 5 min ) et psychiquement. Eux aussi doivent subir le poids du regard. Celui des dessinateurs, et celui de l’entourage. Je ne sais pas si il est facile de parler de son métier avec des personnes extérieures.

Certains mettent une  barrière  physique, pas de parole, pas de regard durant la pose. D’autres au contraire discutent librement, acceptent de poser à plusieurs, et avec peu de distance. Comme pour tous les métiers, le professionnalisme et la déontologie n’est pas la même pour tous. Mais il faut bien les remercier d’accepter de livrer leur corps à notre regard scrutateur d’artiste.

 

 

Diversité des corps

Je pense que le dessin de modèle vivant est indispensable à tout apprentissage de dessin, ne serait-ce que pour voir la réalité. Dans nos sociétés où les corps sont sous dictats de la mode, dessiner des nus permet de passer d’une version unifiée et retouchée à une multitudes de beautés du corps.

Peut-être que le tabou du nu se trouve dans la différence entre ces deux verbes : voir et regarder. Et si vous voulez briser ce tabou en embellissant votre salon, n’hésitez pas à passer commande.